Du récit national au projet national : les fondements de l’esprit de défense

Le Comité a auditionné plusieurs experts, dont Bertrand Soubelet, général de la gendarmerie nationale, dit «général Courage».
Il a aussi rencontré une soixantaine d’étudiants en BTS sections «gestion des PME» et «électrotechnique», d’origines très variées, dans un dialogue permettant de comprendre ce que peut signifier, pour une grande partie de notre jeunesse, un «récit national» commun auquel s’opposent des mémoires différentes de groupes sociaux.
Tous ont de la France une image patrimoniale forte: «c’est la France elle-même qu’il faut réparer (pas seulement Notre-Dame)».
Tous portent en eux un réel sentiment national. Ils tiennent aux valeurs de la République, la liberté en particulier, mais ne les relient pas au système démocratique français qui en garantit l’expression et la pérennité.

Agir politiquement pour cette jeunesse, cela ne pourrait-il consister à faire face au risque démocratique et à expliquer plus et mieux le système social?

En effet, l’éloignement pour la politique des jeunes que nous avons rencontrés, leur profond mépris pour l’ensemble du personnel politique, leur absence de contact avec des organisations politiques ou syndicales d’étudiants ou de jeunes, leur impression de ne pas compter dans «le système», représentent un vrai danger démocratique. S’ils sont attachés
à la liberté, ils ne font pas le lien avec les institutions qu’il faut faire vivre pour que celle-ci demeure.

Dès lors, la société démocratique apparaît fragile, peu enracinée, accessible à des discours politiques pouvant proposer un modèle autoritaire et un chef en lien direct avec le peuple.

Pour le personnel politique, combattre un tel état d’esprit est indispensable, bien que long et difficile. L’un des moyens d’action consisterait à expliquer le fonctionnement de ce système social dont l’ensemble des jeunes reconnaît la valeur «historique». Plus que d’un
«récit national», probablement impossible à retrouver rapidement de manière consensuelle, la France semble avoir besoin d’un fil conducteur stratégique.

«Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite» (Henry Ford).

Maryse Viseur (juin 2019)

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«DU RÉCIT NATIONAL ET DES FONDEMENTS DE L’ESPRIT DE DÉFENSE»

L’esprit de défense est lié à la volonté politique d’un groupe d’hommes de s’ériger en nation: celle-ci est l’expression d’une volonté de vivre ensemble, selon ses propres valeurs et institutions (institutions politiques, justice, éducation, langue, culture…) qui modèlent une histoire particulière, à prolonger en conservant ces valeurs et institutions et en les
faisant évoluer.
Cette double volonté nationale suppose une protection réelle face aux menaces pesant sur ces valeurs, et «l’esprit de défense» en est l’expression privilégiée. L’évolution de la société perturbe ces évidences.
– Qu’en est-il, désormais, de l’esprit de défense, car c’est un truisme de dire qu’il suppose un minimum de cohésion sociale, de respect des institutions à défendre ?
– Où les démocrates contemporains trouveraient-ils l’énergie de se défendre, quand le politique dérive?
L’enjeu est de réformer une communauté de citoyens partageant un espace public commun de dialogue et de solution des conflits, que la France appelle «la République», lieu de prise du pouvoir de la communauté sur elle-même et par elle-même.
Les nations européennes, en déclin depuis 1945, ont un projet politique particulier: celui d’une société de droits humains et de paix. Dans le monde, ce projet est spécifique et original: qui en a conscience et le défend, malgré ses défauts? Il peut devenir la matière d’un récit national permettant de se projeter dans l’avenir.
Un récit national nous apparaît possible, puisque de nombreux pays entretiennent avec soin la mémoire de leur existence, et souhaitable, puisque des faits politiques récents démontrent son efficacité pour l’action collective. Il est nécessaire à la cohésion de la société française.
Il reste donc à agir pour faire vivre et transmettre un tel récit.

Le comité jeunesse (Mars 2019)

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Le comité jeunesse a clôturé sa réflexion relative à «la rencontre de la jeunesse des territoires fragiles – pour un esprit de défense et de cohésion nationale» par la conférence de Didier Leschi, le 18 octobre et par la publication de son rapport, visible sur le site de l’Association.

Il poursuit ses travaux en prenant en charge la réflexion de notre association sur le thème d’étude annuel 2018/2019 proposé par l’Union IHEDN à ses associations: «Du récit national à l’Identité nationale, les fondements de l’esprit de défense».

Ce «nouveau» comité jeunesse a choisi de traiter ce sujet au travers du thème «une société multiculturelle et sa jeunesse peuvent elle partager un récit national commun et fédérateur ?».

Animé par Maryse Viseur, il comprend aujourd’hui une dizaine de membres et se réunit selon un calendrier mensuel, voire bimensuel, à l’École militaire. Ses premières réflexions ont commencé les 10 octobre, 7 novembre, 2 décembre. Pour 2019, les 9 et 23 janvier sont réservés.

Si vous souhaitez le rejoindre, contactez Maryse: secretariat@ihedn-paris.eu

Maryse Viseur (décembre 2018)

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DU RÉCIT NATIONAL AU PROJET NATIONAL : 

LES FONDEMENTS DE L’ESPRIT DE DÉFENSE

Depuis plusieurs années, de nombreuses interrogations et réflexions tournent autour
du fait national, de sa nature, de sa perception et même de sa pérennité. Face à une
immigration parfois problématique et aux difficultés « d’intégration » de certaines parties de la population du Pays, l’attention s’est centrée sur les risque de fragmentation de la société française. Le débat a été placé sous le prisme de l’identité nationale. Depuis, celle-ci est proposée par certains comme le modèle à présenter aux nouveaux arrivants.

Différentes politiques sont préconisées pour acculturer des individus ou des groupes qui restent en marge de la majorité de la population et se singularisent par des pratiques
communautaristes fondées souvent sur des croyances religieuses.

Or, si le but est de permettre aux populations diverses qui peuplent notre Pays de se reconnaître et se revendiquer comme parties prenantes de la communauté la plus large, la Nation, il parait utile de trouver une autre vision, un autre modèle d’intégration que la conformité à une identité dont la nature reste à préciser. L’accélération de la mondialisation et ses effets rendent nécessaire une réactualisation de la Nation définie par Ernest Renan au XIXe siècle. Cette approche novatrice consiste à considérer qu’au fil de la longue histoire de la France, des groupes humains ont fait des apports qui sont autant de chapitres d’un récit national. Parfois il s’agit de modestes paragraphes, parfois d’une simple ligne mais qui enrichissent l’aventure nationale. On comprend alors que la reconnaissance par tous des apports de chacun à ce récit national peut être un puissant facteur de cohésion sereine et d’estime mutuelle. Le récit national est l’expression et l’explication de la communauté de destin qui caractérise la Nation.

Ce récit national oriente l’histoire du Pays et trace une direction à son futur. Il est porteur d’un projet national implicite qui résulte de la dynamique issue de ce récit. Ce projet national est l’horizon commun vers lequel tendent les composantes de la Nation, quelle que soit leur ancienneté. Il suppose des voies et des choix qui sont à définir puis à défendre.

L’expression de ce destin commun qui reste toujours incertain doit faire l’objet d’une démarche adaptée, une véritable maïeutique, afin qu’aucun groupe ayant écrit une part du récit national ne s’en sente exclu.

Le récit national et le projet qu’il sous-tend font ressortir des attentes, des valeurs, des « choses » précieuses pour la communauté nationale. Ce sont ces attentes, ces valeurs et ces « choses » qui donnent aux Français le désir de les assurer et la volonté de les défendre. Ils sont les fondements de l’esprit de défense que les auditeurs de l’IHEDN ont la mission de faire rayonner. Les angles d’approche de ce thème sont multiples.

Bien évidemment l’Histoire peut être sollicitée en premier. La chronologie du récit national est décisive et le projet national qu’il sous-tend a varié dans le temps. Dans quelle mesure, à quel rythme ? Comment les derniers grands apports ont-ils recouvert ou pas ce qui les précédait, donnant parfois l’impression d’une stabilité de toute éternité qui peut s’avérer relative ? Comment se conservent ou évoluent les couches anciennes de ce récit ?

Comment les nouveaux morceaux du récit réinterprètent-ils les anciens ? Quelle place donner aux mémoires de périodes qui fracturent la société actuelle ? Quelles perspectives sont ainsi tracées au fil du temps ? Mais aussi comment des résistances jouent-elles pour ne pas modifier le récit initial ou supposé tel ? C’est tout le problème de la reconnaissance ou pas d’un droit à poursuivre le récit national.

Mais le récit national n’est pas qu’un tissu d’événements. Il est aussi une alchimie culturelle d’une grande complexité. Les représentations mentales, la dimension linguistique, les sensibilités religieuses, les opinions philosophiques, les exigences morales sont des facteurs de construction mais aussi d’évolutions voire de révolutions du cours du récit et donc du projet national qu’il sous-tend.

Ce récit national ne se déploie pas de façon isolée. La France a des voisins, des
partenaires, des adversaires voire des ennemis au fil de son histoire. Les récits d’autres communautés qui lui sont extérieures influencent sa constitution et dévient son projet national. L’avènement des États-nations en Europe puis dans le reste du monde a fortement conditionné notre propre récit et le projet qui en provient.

Une telle approche conduit à s’interroger sur la confluence du récit national avec d’autres récits qui sont susceptibles de l’englober sinon de s’y substituer. La formation d’un sentiment français a érodé les sentiments infranationaux pourtant bien vifs pendant des siècles. Le dépassement du cadre national par la prise de conscience d’autres cadres de
solidarité est-il en voie ou bien bute-t-il sur des facteurs incontournables ? La question vaut pour le cadre européen, mais aussi pour des transversalités idéologiques ou religieuses.

Comment ces évolutions ont-elles remis sur le métier le récit national et le projet qui en découle ? Comment les attachements humains en ont-ils été transformés ?
Voici quelques pistes parmi beaucoup d’autres qui permettent d’entrer dans le thème. Il est clair que les réflexions auront à revêtir des aspects concrets comme des aspects théoriques. La richesse des compétences et des points de vue de la communauté des auditeurs en sera particulièrement valorisée.

Mario Faure
6 juillet 2018