Conférence de François SPIERO sur « Satellites, fusées, astronautes » le jeudi 1° février 2024

Conférence en présentiel de François SPIERO sur le thème :

<< Satellites, fusées, astronautes : État des lieux des activités spatiales >>

le jeudi 1° février à 19h à l’Ecole militaire

François Spiero a présenté une conférence passionnante sur la politique spatiale française et européenne. Précédemment responsable de la stratégie des vols habités au Centre nationale d’études spatiales (CNES) où il a notamment géré la mission de Thomas Pesquet sur la station spatiale internationale, il est actuellement responsable des affaires spatiales au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE).
La politique spatiale française poursuit 4 priorités : renforcer notre autonomie stratégique, soutenir la compétitivité et l’export de notre économie spatiale, s’engager pour un monde durable face aux enjeux environnementaux et climatiques, faire rayonner notre excellence scientifique. Le secteur emploie 70 000 personnes en France, dont la moitié dans l’industrie. La France est reconnue pour son excellence dans le domaine spatial. C’est de très loin la première puissance spatiale européenne et elle joue un rôle moteur dans l’Europe spatiale.
L’Europe s’appuie désormais sur deux grandes agences : l’Agence spatiale européenne (ESA) créée en 1975 qui réunit 22 pays membres et l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA) créée très récemment en 2021. Leurs missions sont complémentaires : l’EUSPA gère les programmes européens de navigation par satellite, l’ESA assure le développement des capacités spatiales européennes.
Ces deux agences mobilisent au total environ 10,5 milliards d’euros par an de financements
européens. La France consacre pour sa part 2,6 milliards d’euros par an au CNES. En prenant en compte l’ensemble des pays européens, on arrive au total à environ 15 milliards d’euros d’investissement européen dans le secteur spatial. La Chine investit un peu plus que l’Europe et y consacre un budget de plus en plus important, les Etats-Unis y consacrent environ 25,4 milliards d’euros par an.
3 grands programmes européens (Galileo, Copernicus, IRIS 2) fournissent des données satellitaires essentielles pour un grand nombre d’usages et activités au service des citoyens européens. L’Europe spatiale se développe dans 5 grands domaines d’intervention :
– les lanceurs : la fusée Ariane a permis de lancer plus de 1000 satellites et de garantir l’accès européen à l’espace ; aujourd’hui, dans le contexte du développement de lanceurs spatiaux non institutionnels, la démarche d’innovation se poursuit, notamment sur la récupération de lanceur qui est actuellement expérimentée en vue de rendre la future fusée Ariane 7 réutilisable ;
– l’étude et l’exploration de l’Univers : : cartographie de la galaxie en 3D (mission Gaïa), étude des lunes de Jupiter et de leur habitabilité (Jupiter aurait pu être notre 2e soleil et constituer avec ses dizaines de lunes un système solaire), exobiologie (mission Persévérance sur Mars et mission Ariel prévue en 2029 pour détecter des exoplanètes habitables), développement des sciences en micropesanteur (mission Alpha de Thomas Pesquet en 2021) ;
– l’observation du climat, de l’atmosphère et de l’océan (imagerie, altimétrie, spectrométrie
pour mesurer la concentration des gaz à effet de serre, etc.) : citons par exemple une mission franco-chinoise pour mesurer le niveau des océans, la mission Swot avec les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni pour suivre l’évolution des ressources en eau tant océaniques que continentales (elle permet notamment de suivre les variations du niveau de la mer et d’affiner la connaissance des courants océaniques pour mieux suivre les pollutions), ou encore la mission Vénus qui permet de suivre l’impact du changement climatique sur l’évolution de la végétation. Le programme conjoint ESA/EUSPA Copernicus permet de recueillir de nombreuses informations environnementales grâce à une flotte de satellites d’observation : territoires, océan, atmosphère, avec un accès libre et gratuit aux données grâce au système Sentinel. La France a porté l’initiative de la création d’un Observatoire spatial du climat (mise en réseau des satellites des différents pays), initiative rejointe par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis et la Chine : cette alliance scientifique internationale entrée en vigueur en 2022 permettra de suivre les impacts du changement climatique et d’appuyer la prise de décision dans le cadre des politiques d’atténuation et d’adaptation. La France a eu un rôle moteur pour l’élaboration d’une Charte internationale Espace et Catastrophes majeures et François Spiero a souligné qu’il s’agissait là d’une coopération internationale exemplaire : applicable par exemple en cas de tsunami, elle a déjà été activée 649 fois depuis sa création en 2020;
– les télécommunications : le programme Galileo permet de disposer d’un GPS européen plus précis que le GPS américain et d’adapter le guidage à la situation réelle;
– la défense : l’orbite terrestre devient un champ militaire. Le réseau satellitaire Viasat utilisé notamment en Ukraine a été victime d’une cyberattaque une heure avant l’invasion de l’Ukraine. Des satellites peuvent être attaqués depuis le sol par des missiles mais aussi par des moyens informatiques. Avec la mission Elisa qui vise à développer le renseignement d’origine électromagnétique, la France est actuellement le seul pays européen à développer cette capacité. La France développe d’autres innovations par exemple pour la détection et la surveillance des objets non coopératifs (débris spatiaux). La création d’un Commandement de l’Espace en 2019 représente aussi une étape importante pour le renforcement de notre autonomie stratégique et de notre défense spatiale.
En conclusion, François Spiero soulignait que l’Europe dispose de la quasi-totalité des possibilités spatiales, que le dernier Sommet spatial européen de novembre 2023, avec l’accord de Séville, réaffirme les ambitions de la coopération spatiale européenne en matière d’environnement et de développement durable et en matière d’accès et d’exploration spatiale, mais que la question des financements à venir reste essentielle au regard des enjeux.
Coralie NOËL