Conférence de Françoise Thom sur « la crise entre la Russie et les Occidentaux » le mercredi 9 mars 2022

Conférence de Françoise Thom

le mercredi 9 mars 2022 à 19h en vidéo-conférence sur le thème

« La crise entre la Russie et les Occidentaux: contexte et conséquences »

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Françoise Thom, maître de conférences émérite en Histoire contemporaine à l’université de Paris IV Sorbonne et auteure de plusieurs ouvrages sur l’URSS dont « Comprendre le poutinisme » a proposé une conférence sur « La crise entre la Russie et les Occidentaux : contexte et conséquences ».

Françoise Thom a, dans un premier temps, proposé une mise en perspective historique qui remet en question la surprise de nombreux observateurs lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pour elle, c’est une guerre préparée de longue date qui exprime une volonté de revanche et de puissance qui s’affirme dès les années 2000. Les exportations d’hydrocarbures russes ont ainsi financé un appareil policier et un arsenal militaire qui a rendu possible la politique de puissance voulue par Vladimir Poutine. Cette politique s’exprime, dès 2007, avec les revendications russes en termes de zone économique exclusive mais surtout avec le discours de Munich où Vladimir Poutine affirme que la Russie n’accepte plus les humiliations et que, seuls, ses intérêts prévaudront à l’avenir. Cette politique s’illustre avec le démembrement de la Géorgie, en août 2008, lequel provoque peu de réactions en Occident. La nouvelle doctrine militaire russe est, alors, d’être prêt et d’anticiper une guerre. En 2020, les conditions semblent favorables à la Russie avec l’achèvement du gazoduc «Nord Stream 2», la débâcle américaine en Afghanistan et les tensions entre les États-Unis et la Chine. La Russie, alors en position de force, lance son ultimatum pour un recul de l’OTAN, le 17 décembre 2021, avec la certitude que la faiblesse des États et des responsables occidentaux lui est favorable. Vladimir Poutine est donc surpris par le rejet de ses conditions et, pour ne pas perdre la face, lance son opération spéciale en pensant que celle-ci sera de courte durée.

Dans un second temps, Françoise Thom propose de lister les erreurs commises par la Russie et d’en montrer l’origine.

  • 1è d’entre elles : la mauvaise évaluation de la situation en Ukraine. Vladimir Poutine a considéré que l’Ukraine n’était pas un véritable État, que son président était faible et, qu’à l’arrivée des forces russes, le pays s’effondrerait et que la population accueillerait les militaires russes en libérateurs. Dans les faits, la guerre a soudé la population, mis en avant un président patriote et montré que même les populations russophones étaient attachées à l’Ukraine, à son mode de vie, à la démocratie et qu’elles n’avaient plus le même état d’esprit qu’en 2014 lors de l’invasion de la Crimée.
  • 2è erreur : l’évaluation erronée de la situation militaire, basée, elle aussi, sur 2014 où l’armée ukrainienne, noyautée de l’intérieur, n’avait pas combattu. Depuis cette date, l’armée ukrainienne a été réorganisée, équipée, entraînée et profite du soutien de la population. La «guerre éclair» a échoué et les difficultés de la Russie sont devenues visibles.
  • 3è erreur : la fausse évaluation des capacités de combat de l’armée russe. Les problèmes logistiques sont apparus dès le troisième jour en termes de carburant et de munitions. Vladimir Poutine a été conforté dans sa croyance de la supériorité de l’armée russe par son entourage et par les généraux.
  • 4è erreur : la sous-estimation de la réaction internationale. L’idée dominante à Moscou était que la peur d’un conflit pousserait les Occidentaux à accepter la perte de l’Ukraine. La rapidité et l’ampleur des sanctions ont donc surpris le chef russe.
  • 5è erreur : la surestimation du chantage nucléaire qui a eu l’effet inverse escompté en mobilisant encore davantage l’Occident.
  • 6è erreur : la croyance que l’économie russe pourrait résister aux sanctions. Même si depuis des années, la Russie se prépare, les sanctions financières, très fortes, ont mis en difficulté la banque centrale et la monnaie russe.
  • 7è erreur : la surestimation de l’aide de la Chine qui ne veut pas se brouiller avec les États-Unis et l’Occident.

 

Pour finir, Françoise Thom explique que toutes ces erreurs ont une cause unique, à savoir le système autocratique de Vladimir Poutine qui est entouré de «courtisans» qui vont dans son sens, qui ont peur de donner des informations négatives, construisant ainsi une vision non-objective de la situation. À cela s’ajoute l’obsession de Vladimir Poutine de restaurer, à travers une guerre patriotique, la puissance de la Russie puisque, comme il le rappelait en 2005, l’effondrement de l’URSS fut la plus grande catastrophe géopolitique du XXè siècle.

L’issue du conflit est incertaine… sortie de la Russie avec un minimum d’acquis, enlisement, changement de gouvernement. Pour la Russie, l’avenir passe par la démocratisation et la restitution des territoires.

 Stephen Silvestrini

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Françoise Thom, maître de conférences émérite en Histoire contemporaine à l’université de Paris IV Sorbonne et auteure de plusieurs ouvrages sur l’URSS dont « Comprendre le poutinisme » a proposé une conférence sur « La crise entre la Russie et les Occidentaux : contexte et conséquences ».

Françoise Thom a, dans un premier temps, proposé une mise en perspective historique qui remet en question la surprise de nombreux observateurs lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pour elle, c’est une guerre préparée de longue date qui exprime une volonté de revanche et de puissance qui s’affirme dès les années 2000. Les exportations d’hydrocarbures russes ont ainsi financé un appareil policier et un arsenal militaire qui a rendu possible la politique de puissance voulue par Vladimir Poutine. Cette politique s’exprime, dès 2007, avec les revendications russes en termes de zone économique exclusive mais surtout avec le discours de Munich où Vladimir Poutine affirme que la Russie n’accepte plus les humiliations et que, seuls, ses intérêts prévaudront à l’avenir. Cette politique s’illustre avec le démembrement de la Géorgie, en août 2008, lequel provoque peu de réactions en Occident. La nouvelle doctrine militaire russe est, alors, d’être prêt et d’anticiper une guerre. En 2020, les conditions semblent favorables à la Russie avec l’achèvement du gazoduc «Nord Stream 2», la débâcle américaine en Afghanistan et les tensions entre les États-Unis et la Chine. La Russie, alors en position de force, lance son ultimatum pour un recul de l’OTAN, le 17 décembre 2021, avec la certitude que la faiblesse des États et des responsables occidentaux lui est favorable. Vladimir Poutine est donc surpris par le rejet de ses conditions et, pour ne pas perdre la face, lance son opération spéciale en pensant que celle-ci sera de courte durée.

Dans un second temps, Françoise Thom propose de lister les erreurs commises par la Russie et d’en montrer l’origine.
– 1è d’entre elles : la mauvaise évaluation de la situation en Ukraine. Vladimir Poutine a considéré que l’Ukraine n’était pas un véritable État, que son président était faible et, qu’à l’arrivée des forces russes, le pays s’effondrerait et que la population accueillerait les militaires russes en libérateurs. Dans les faits, la guerre a soudé la population, mis en avant un président patriote et montré que même les populations russophones étaient attachées à l’Ukraine, à son mode de vie, à la démocratie et qu’elles n’avaient plus le même état d’esprit qu’en 2014 lors de l’invasion de la Crimée.
– 2è erreur : l’évaluation erronée de la situation militaire, basée, elle aussi, sur 2014 où l’armée ukrainienne, noyautée de l’intérieur, n’avait pas combattu. Depuis cette date, l’armée ukrainienne a été réorganisée, équipée, entraînée et profite du soutien de la population. La «guerre éclair» a échoué et les difficultés de la Russie sont devenues visibles.
– 3è erreur : la fausse évaluation des capacités de combat de l’armée russe. Les problèmes logistiques sont apparus dès le troisième jour en termes de carburant et de munitions. Vladimir Poutine a été conforté dans sa croyance de la supériorité de l’armée russe par son entourage et par les généraux.
– 4è erreur : la sous-estimation de la réaction internationale. L’idée dominante à Moscou était que la peur d’un conflit pousserait les Occidentaux à accepter la perte de l’Ukraine. La rapidité et l’ampleur des sanctions ont donc surpris le chef russe.
– 5è erreur : la surestimation du chantage nucléaire qui a eu l’effet inverse escompté en mobilisant encore davantage l’Occident.
– 6è erreur : la croyance que l’économie russe pourrait résister aux sanctions. Même si depuis des années, la Russie se prépare, les sanctions financières, très fortes, ont mis en difficulté la banque centrale et la monnaie russe.
– 7è erreur : la surestimation de l’aide de la Chine qui ne veut pas se brouiller avec les États-Unis et l’Occident.

Pour finir, Françoise Thom explique que toutes ces erreurs ont une cause unique, à savoir le système autocratique de Vladimir Poutine qui est entouré de «courtisans» qui vont dans son sens, qui ont peur de donner des informations négatives, construisant ainsi une vision non-objective de la situation. À cela s’ajoute l’obsession de Vladimir Poutine de restaurer, à travers une guerre patriotique, la puissance de la Russie puisque, comme il le rappelait en 2005, l’effondrement de l’URSS fut la plus grande catastrophe géopolitique du XXè siècle.
L’issue du conflit est incertaine… sortie de la Russie avec un minimum d’acquis, enlisement, changement de gouvernement. Pour la Russie, l’avenir passe par la démocratisation et la restitution des territoires.

Stephen Silvestrini.

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Françoise Thom est Maître de conférences émérite en Histoire contemporaine à l’Université Paris-IV Sorbonne. Elle est attachée de recherche à l’Institut français de polémologie. Elle soutient en 1983 une thèse intitulée La Langue de bois soviétique : description, rôle et fonctionnement, dirigée par Alain Besançon à l’École des hautes études en sciences sociales, puis elle est nommée maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne. Elle présente en 2011 un mémoire d’habilitation universitaire intitulé De l’URSS à la Russie (1929-2011). Politique intérieure, politique étrangère, les imbrications à l’université Paris-Sorbonne.

Ouvrages publiés

  • La langue de bois, Paris: Julliard, 1987.
  • Le moment Gorbatchev, Paris: Hachette (collection Pluriel), 1989.
  • Les fins du communisme, Paris: Critérion, 1994.
  • Edition critique des Mémoires de Sergo Beria : Beria mon père par Sergo Beria, Plon/Criterion 1999.
  • Beria, le Janus du Kremlin, Editions du Cerf,  2013
  • Comprendre le poutinisme, Desclée de Brouwer, 2018.
  • La Marche à rebours Sorbonne Universisté Presses 2021