Conférence de Frank Tetart le jeudi 4 octobre 2018 sur la péninsule Arabique

Conférence de Frank Tetart

le jeudi 4 octobre 2018

La péninsule Arabique

Rarement une région du monde n’aura été autant sous les feux de l’actualité depuis la Seconde Guerre mondiale que la péninsule Arabique. Lieu de tensions récurrentes, de conflits et de guerres, dont témoigne aujourd’hui la rivalité régionale entre l’Arabie saoudite et l’Iran, la péninsule cumule en effet une position et des ressources stratégiques qui lui confère une centralité sur la scène internationale.

Les tensions existantes dans la péninsule Arabique sont d’abord la résultante de fractures politiques. L’ensemble des pays de la région ont des régimes monarchiques, à l’exception du Yémen et de l’Iran qui sont des républiques. Ce clivage politique n’a rien d’anodin dans le monde arabe : il renvoie à la conception même de la construction de l’Etat et de la nation. À côté de la fracture politique, la fracture religieuse entre sunnites et chiites semble être devenue depuis les années 2000 la principale menace à la stabilité politique du Moyen-Orient. La poussée politique des chiites sur la scène moyen-orientale au cours des années 2000 après la chute de Saddam Hussein en Irak a été rapidement perçue de manière très négative par les gouvernements arabes sunnites de Jordanie, d’Arabie saoudite ou d’Égypte, et par de nombreux observateurs occidentaux, en particulier à Washington. Selon eux, la continuité géographique du chiisme – schématiquement entre la Méditerranée et le monde indien depuis le Liban en passant par la Syrie, l’Irak, les pays du Golfe jusqu’à l’Iran – constituerait un « arc » chiite menaçant. Cette rivalité entre chiites et sunnites trouve aussi son fondement dans la conviction partagée par les Saoud que seul l’islam des origines, purifié et puritain, est la seule et vraie foi.

Les tensions religieuses entre sunnites et chiites ne sont que l’expression la plus visible des rivalités entre l’Arabie saoudite et l’Iran, deux États qui aspirent à asseoir leur puissance au niveau régional. Elles façonnent une nouvelle grille de lecture des rapports étatiques dans la région, qui contribuent à un interventionnisme militaire dans les conflits régionaux en Syrie, au Yémen ou à Bahreïn lors du printemps arabe, ou à la mise au ban du Qatar depuis juin 2017. Cette situation conduit-elle le Moyen-Orient dans une « guerre froide » ? En tout cas, elle conditionne déjà de nouveaux rapports de force et alliances qui alimentent à son tour le degré de tensions et d’instabilité.

Frank Tétart

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Docteur en géopolitique de l’Institut français de géopolitique (Université Paris 8), diplômé en relations internationales (Paris 1) et titulaire d’une maîtrise d’allemand (paris 4), Frank Tétart, est l’un des co-auteurs de l’émission « Le Dessous des Cartes » avec Jean-Christophe Victor (1994-2008) et aujourd’hui conseiller scientifique de l’émission. Ancien rédacteur en chef délégué des revues Moyen-Orient et Carto (2009 à 2011), il est aujourd’hui enseignant.
Il a notamment enseigné en France à Sciences Po Paris, en Suisse à l’Institut européen de l’Université de Genève et aux Émirats arabes unis, où il a résidé de 2011 à 2016, dans diverses universités locales, dont Paris Sorbonne Abou Dhabi (PSUAD), ainsi qu’aux lycées français d’Abou Dhabi et Dubaï.
Outre de nombreux articles sur Kaliningrad, sujet de sa thèse, il a publié Nationalismes régionaux : Un défi pour l’Europe (De Boeck, 2009), la Géographie des conflits (CNED/SEDES, 2011), Péninsule Arabique, cœur géopolitique du Moyen-Orient (Armand Colin, 2017), ainsi que des articles sur le golfe Persique, la géopolitique de l’Europe et la mondialisation. Chez Autrement, il dirige depuis 2013 l’édition annuelle du Grand Atlas et a publié l’Atlas des religions : Passions identitaires et tensions géopolitiques en 2015.