Conférence d’Emmanuel Lenain sur l’eau le jeudi 10 septembre 2020

L’EAU, RESSOURCE STRATÉGIQUE, SÛRETÉ ET GESTION DE CRISE

Conférence prononcée par Emmanuel Lenain, chargé des grands projets et de la gestion de crise dans le groupe Suez, le 10 septembre 2020.

Formé au Centre d’études diplomatiques et Stratégiques de Paris puis à l’École des Officiers de la Gendarmerie où il a passé son MBA Management de la sécurité, il a été chargé du développement de projets de traitement de l’eau au Moyen-Orient et est, à présent, responsable de la sureté des grands projets et de la gestion de crise dans le groupe Suez, Emmanuel Lenain nous a présenté avec brio les points cruciaux de la gestion de l’eau aujourd’hui.

EN QUOI L’EAU EST-ELLE STRATEGIQUE ? :
Sans électricité, pas d’eau… et sans eau, pas d’électricité !

  • L’eau est une ressource naturelle et 71 % du globe est recouvert d’eau, mais seulement 2,5 % l’est d’eau douce. L’eau est source de vie, mais quelle eau ?
  • L’eau n’est plus à profusion, le climat se dérègle, les mouvements de l’eau sont en train de changer;
  • L’eau utilisable représente moins de 1%, provenant des eaux souterraines, des rivières, ou de la fonte des neiges et des glaces;
  • Neuf pays disposent de 60 % des ressources en eau : Canada, USA, Russie, Pérou en sont les principaux;
  • Plusieurs pays n’ont pas accès à l’eau, surtout en Afrique dans des pays comme l’Angola, la République du Congo, le Mozambique, le Rwanda, l’Éthiopie, le Kenya, la Tanzanie.

EN QUOI L’EAU A-T-ELLE BESOIN DE SÛRETÉ ?
Le fait est que l’eau sert notamment à l’alimentation et à la vie quotidienne des hommes, ainsi qu’à l’’agriculture,
Mais la situation géopolitique peut se poser. En effet, par exemple en Syrie, toutes les eaux qui traversent ce pays naissent en Turquie. Pour la Syrie, comme pour d’autres pays, tels que l’Egypte, pour sa gestion des eaux du Nil, l’eau devient alors un enjeu stratégique. Les pays détenteurs des sources installent des barrages et des retenues d’’eau pour répondre à leurs besoins privant ainsi les pays en aval. Ainsi, le Nil traverse-t-il trois pays avant d’arriver en Egypte.
Se créent alors des jeux de négociation et, par voie de conséquence, des enjeux de souveraineté.

RISQUES ET EAU
On assiste ces dernières années à des risques nouveaux :
– prise d’otages sur station de pompage ;
– attaque par drones sur barrages ou bassins ;
– vandalisme sur les fibres optiques desservant les centrales de traitement ;
– attaques cyber sur des groupes de gestion de l’eau et des stations de pompage.
Ces risques nouveaux demandent une sécurisation des sites plus drastique, provoquant, ainsi, un dérèglement des systèmes.

UN CONSTAT : BESOIN DE GESTION DE CRISE ET EMPLOIS DE SOLUTIONS
En effet, les actions d’attaques peuvent créer une communication plus ou moins organisée par des groupes, lesquels peuvent déstabiliser les populations et créer le chaos.
En outre, l’utilisation des réseaux sociaux peut avoir un effet aggravant sur une action mineure.

Face à ces situations à risque, les acteurs – gouvernements, groupes, gestionnaires, sous-traitants et forces armées – doivent intégrer la sécurité et se tourner vers des solutions plus fermes.
Ainsi, nous assistons au développement:
– d’unités de traitement de l’eau mobiles, par exemple en Suède, Allemagne, Chine, USA ;
– de plan de continuité d’activité qui revêt un aspect particulièrement important.

Un nouveau modèle de gestion apparaît à, travers le développement de mini-stations, du recyclage et du traitement, des activités de conseils et de bureaux d’études avec vision intégrée.

En conclusion, Emmanuel Lenain résume la situation : l’eau est un outil d’influence, mais aussi un outil de déstabilisation. Il est nécessaire d’avoir une approche globale et une vision stratégique est, plus que jamais, nécessaire.

L’agriculture représente 60 % des consommations d’eau, l’eau potable 10%.
Le taux de perte en eau potable est important dans certains pays et ce taux peut atteindre très facilement 30 ou 40% sur le réseau dans les situations les plus critiques.

La France a un vrai savoir-faire technique avec les groupes que sont VEOLIA, n°1 dans le monde, SUEZ, n° 2, et la délégation de la gestion de l’eau y est, de longue date, privée, bien qu’historiquement la gestion de l’eau en France ait été décentralisée. Par ailleurs, les français ont des savoirs-faire en dessalement, technique qu’un pays emploie lorsqu’il n’a pas le choix.

Bien que de moitié moins nombreuse afin de respecter les consignes sanitaires, l’assistance a grandement applaudi le conférencier, pour sa présentation très claire et documentée de la situation et des enjeux que présente cette ressource fondamentale.

Marie-Madeleine Salmon

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Dans un monde qui connaît des bouleversements climatiques, démographiques, technologiques, géopolitiques et sécuritaires, nous analyserons l’impact de tous ces bouleversements sur un élément essentiel de la vie : l’EAU.
L’eau a parfois été source de tensions, de déstabilisations entre états mais aussi parfois d’accords pour éviter des conflits ouverts et potentiellement violents. Cette eau précieuse qui se raréfie mais aussi du fait de sa présence très inégale sur le globe terrestre est surexploitée pour nourrir la planète. Dans cette conférence le sujet de l’eau est abordé de manière générale : eau source de vie, problématique sanitaire … et non pas en tant qu’outil de navigation ou fleuve frontière.
Cette tension aggravée par l’urbanisation galopante dans le monde mérite que l’on s’y intéresse de près dans une approche globale de la sûreté. Sûreté en temps de paix, de guerre mais aussi dans ces périodes « post conflit ».
Face à ces défis naturels vient se superposer l’évolution technologique qui n’épargne pas l’eau et sa gestion. L’usine de traitement d’eau est maintenant interconnectée au même titre que les compteurs d’eau qui s’inscrivent eux-mêmes dans une évolution globale appelée la « Smart City », elle-même bientôt intégrée dans le smart territorial. Ainsi, de nouvelles solutions apparaissent mais aussi et surtout de nouvelles menaces.
De ce fait, l’eau est une cible potentielle et l’intelligence économique devrait jouer un rôle crucial pour anticiper et éviter des situations de chaos.
La France dispose d’un grand savoir-faire et avec une vision stratégique plus aiguë, l’intelligence économique pourrait être utilisée comme outil d’influence mais aussi et surtout pour préserver les intérêts du pays et la sécurité des citoyens.

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Emmanuel LENAIN est responsable du développement Afrique – Proche Orient pour les projets eau au sein de la division industrie du Groupe Suez. Il est en charge de l’analyse sûreté globale et gestion de crise pour les projets et en support pour la coordination des exercices de gestion de crise intégrant la mise en place d’unités mobiles.
Spécialisé en géopolitique des pays arabes et comptant plus de 20 ans d’expériences sur la zone Afrique – Moyen Orient, son expertise porte tout particulièrement sur la sûreté de l’eau dans une approche globale et dans le développement de « Plan de Continuité d’Activité » qui résistent dans le temps tout en intégrant les nouvelles menaces dans un monde en perpétuelle mutation. Cette vision s’intègre dans une approche géopolitique d’influence et de reconstruction dans les pays déstructurés ou en sortie de conflit.